Parler de l’identité pour un anthropologue, c’est parler de l’identité culturelle d’un peuple et donc, des différents groupes ethniques qui la compose.
Maurice offre une diversité ethnique et culturelle intéressante pour tous les visiteurs. Certes, c’est la cas de la majorité des pays du monde toutefois, Maurice présente la particularité de faire cohabiter ces différents groupes sur un petit territoire qui est, de plus, insulaire. Cette situation renforce l’isolement et la relative nécessité de maintenir un certain équilibre dans les rapports socio-culturels.
Une identité construite sur l’Histoire
Le peuplement de l’île
Bien que l’île servit d’escale aux Portugais lors de leur conquête des comptoirs arabes de la côte africaine de l’Océan Indien, C’est véritablement au XVI ème siècle que ce petit bout de terre voit débarquer les premiers colons européens : les Hollandais. L’île est alors déserte et les colons voit dans ce nouveau territoire l’opportunité d’implanter une colonie économiquement stratégique dans le commerce des épices. D’ores et déjà installés sur l’île de Java, Les hollandais tentent de s’installer sur ce nouveau territoire, tout en empêchant les Anglais et les Français, déjà présents dans l’Océan Indien sur l’île de Bourbon, de venir à leur tour.
Les conditions de vie sont alors particulièrement difficiles du fait de la rareté des denrées, d’où de nombreuses famines, mais aussi la rudesse du climent avec la fréquence annuelle des cyclones, ravageant les quelqes habitations construites.
Toutefois, la participation des Hollandais au développement de l’île fut essentielle. Ils furent notamment les premiers à introduire la canne à sucre et de nombreux arbres fruitiers comme les manguiers, les litchis ou les goyaviers. Des animaux tels que les cochons, les chèvres et les cerfs furent également introduits. La canne à sucre réclamant le recours à une main d’oeuvre importante et compétente, de nombreux esclaves, originaires de Java, Madagascar et autres pays du continent africain, furent amenés pour travailler la canne. ILs participèrent, bien malgré eux mais de manière fondamentale, à l’essor du commerce du sucre dans cette partie du monde. A titre indicatif, à la fin du XVIIème siècle, vivaient environ 200 hollandais et entre 500 et 1000 esclaves, dont les descendants, majoritairement métissés, constitue la communauté créole mauricienne.
On doit également aux Holandais le nom originel de l’île – qui est à nouveau le sien suite à l’implantation anglaise – Mauritius, en hommage au Prince hollandais Maurice de Nassau, prince d’Orange.
Prince Maurice de Nassau, Prince d’Orange. https://www.wikiart.org/en/john-riley/prince-maurice-of-nassau-prince-of-orange
En 1710, las de la rigueur du climat, la rudesse des conditions de vie et les multiples tentatives d’installation des Français et Anglais, les Hollandais quittent définitivement l’île. Aujourd’hui, de nombreux lieux témoignent de leur présence par leur nom comme le célèbre mont de Pieter Both ou les Plaines Wilhems.
Remarque : on attribue souvent la responsabilté de la disparition du célèbre volatile endémique, le Dodo, aux Hollandais. Cependant, bien qu’il est sûr que les Hollandais ont très largement consommé celui-ci, sa disparition ne serait pas uniquement imputable au seul « appétit » des seuls humais alors présent sur l’île. Une cause génétique est également avancée par les spécialistes.
La période française
Les Français commencèrent leur colonisation de l’île. Leur installation fut grandement facilitée par leur présence sur deux îles « voisines » des Mascareignes, l’Île Bourbon (aujourd’hui La Réunion) et Madagascar. Tout d’abord envisagée comme base de protection contre les nombreux pirates convoitant alors les richesses transportées par les bateaux commerçant avec l’Inde, la France prend réellement possession de l’île en 1715 au nom de Louis XIV. Celle-ci est rebaptisée Isle de France XVIIIème siècle. Commence alors la période française. Dès 1721, le Roi de France cède l’île à la Compagnie des Indes.Une nouvelle prise de l’île en 1721 semble être à l’origine de la colonisation à proprement dite.
Les premiers Français à venir s’installer dans ce nouveau pays étaient surtout originaires des régions côtières de la France, comme la Bretagne ou la Normandie (mettre carte) mais aussi de régions plus éloignées des côtes comme la Lorraine ou la région Rhône-Alpes. Bon nombre d’entre eux quittèrent leur pays, où ils étaient très pauvres, avec le secret espoir d’une vie meilleure. Ils furent ainsi les premiers travailleurs engagés du pays. Afin de les inciter à rester dans la colonie et de la développer, la Compagnie des Indes leur proposer un engagement de plusieurs années au terme duquel ils se voyaient offrir un lopin de terre.
Parmi les nombreux gouverneurs qui se succédèrent à la direction de ce nouveau territoir, retenons celui qui est certainement le plus célèbre d’entre eux : Bertrand François Mahé de la Bourdonnais, comte de son état.
Originaire de la ville bretonne de Saint-Malo et nommé par le Roi de France en 1735. Homme inspiré, l’île connu un véritable essor sous sa gouvernance avec notamment la construction de fortifications et du port où se trouve aujourd’hui la capitale du Port-Louis, qui était alors appelée Le Camp, et où furent construits de nombreux bateaux. Il y fit également bâtir un hôpital ainsi que la première sucrerie, dans le quartier de Pamplemousse où fut construite sa demeure, le Château de Monplaisir, et aménagés de magnifiques jardins, dont les nombreux vergers contribuèrent à nourrir les ouvriers et les soldats.
La prospérité grandissante de l’île était liée à la culture et au commerce du sucre et donc inévitablement à la traite négrière, alors approuvée par les entités politiques européennes et africaines, les esclaves étant alors originaires d’Afrique de l’ouest, centrale et australe.
En 1780, l’île comptait 48 000 hbitants et le port de Port-Louis est alors aussi important que ceux de Bombay ou Madras. Toutefois, l’Isle de France, de part sa position géographique et son développement continue de susciter les convoitises, notamment de ses rivaux anglais contre lesquelles les flottes françaises ne cessent de lutter depuis 1792. Le 10 juillet 1810, les Anglais parviennent à s’emparer de l’Ile Bourbon (La Réunion), grâce notamment au recrutement de 3000 cipayes supplémentaires par l’armée britannique. En août, la flotte britannique tente une prise de l’île en attaquant la base française de Vieux Grand Port. Toutefois, après une bataille acharnée et la dérive de plusieurs navires, les Français remportent la victoire. Loin d’en rester là, les Anglais planifient une nouvelle attaque, notemment grâce au renfort en provenance de Bombay, Madras et le Cap de Bonne-Espérance. Fin novembre 1810, ils prennent possession de Rodrigues. Les troupes britanniques se rassemblent et décident d’une nouvelle attaque, fortes d’une flotte de 70 navires,en arrivant cette fois par le nord de l’île, au lieu dit de Cap Malheureux. Suite à la rédition française, un cessé le feu le 2 décembre 1810. L’Isle de France tomba définitivement aux mains de l’Angleterre.
Occupation britannique
L’Île Maurice devint donc propriété de la couronne d’Angleterre au début du XIXème siècle. L’île constituait avant tout, Toutefois, un point stratégique, dans l’Océan Indien, dans la « course » au commerce des épices qui opposaient Anglais et Français. La culture de la canne étant alors parfaitement maîtrisée par les planteurs d’origine française, ceux-ci furent autorisés par les Britanniques et purent, notamment continuer de parler leur langue maternelle. D’ailleurs, notons que l’anglais n’est devenu langue obligatoire, dans l’enseignement et dans l’administration, qu’à partir de 1832 et langue officielle du pays en 1847.
Sous l’administration britannique, beaucoup d’infrastructures se développèrent comme la création de lignes de chemin de fer et de celles du télégraphe, permettant ainsi les communications entre l’Île Maurice et l’Europe, puis l’Inde.
Nombreux furent les colons français qui décidèrent de rester sur le nouveau territoire britannique. Véritables citoyens mauriciens, ils n’entretenaient alors plus guère de relations avec leur pays d’origine et leurs ascendants. Grâce à la culture de la canne, qui put se perpétrer grâce aux Coolies ou travailleurs engagés – suite à l’abolition de l’esclavage en 1835 et donc disparition d’une main d’œuvre « gratuite » – originaires de ce qui était alors l’empire britannique indien, ces nouvelles familles mauriciennes prospérèrent et purent acheter de nouvelles plantations.
Cependant, suite au développement croissant de la population, de l’économie et de l’indianisation de l’île, ainsi que le contexte mondial, celle-ci devint, le 12 mars 1968 – malgré le vote négatif des Rodriguais et bon nombre de planteurs d’origine européenne – indépendante et dirigée par celui qui était son Premier Ministre depuis 1962 : Seewoosagur Ramgoolam, chef du Parti Travailliste et considéré comme le père de la nation.
Une identité construite sur l’origine ethnique
Il n’y a pas de peuple autochtone lorsque les Européens foulent le sol de cette île des Mascareignes. On devrait parler donc parler de peuplement plutôt que de colonisation tout comme ce fut le cas à la Réunion.
Les groupes ethniques en présence sont donc, dès l’origine, européens, à savoir Hollandais, Français puis Britanniques, puis d’origine africaine avec l’introduction d’esclaves dans l’île. Mentionnons cependant que tous les individus originaires du continent africain, et alors présents dans l’île, n’étaient pas des esclaves. En effet….
Beaucoup d’indiens sont également présents sur l’île dès la période française, du fait notamment de la présence française à Pondichéry. L’ethnie majoritairement représentée est alors tamoule et exerce surtout le métier de commerçant mais si certains se spécialisent dans la culture de la canne et deviennent de grands propriétaires terriens.
Dès 1835 et jusqu’à 1865, sous présence britannique, afin de compenser le manque de main d’oeuvre suite à l’abolition de l’esclavage, 200 000 immigrants indiens et chinois arrivèrent à Maurice et modifièrent de manière radicale et irréversible, la composition ethnique de la population mauricienne. Les travailleurs engagés indiens ou Coolies représentèrent dès lors la majorité de la main d’oeuvre agricole puis rapidement le groupe ethnique majoritaire dans le pays. Les Chinois, quant à eux, se spécialisèrent, dès leur arrivée, dans les activités commerçantes. Depuis plus d’une trentaine d’années, Maurice favorise également la venue d’investisseurs étrangers et expatriés des quatre coins du monde (notamment grâce à son programme d’expatriation qui attire de nombreux retraités européens) qui viennent enrichir la culture locale.
Une identité basée sur la langue.
Bien que le créole ne soit pas une langue à proprement dit mais un dialecte, il est parlé par l’ensemble des Mauriciens. Véritable lien unificateur, il dérive de l’ancien français et c’est enrichi du vocabulaire d’autres langues, au fil des migrations, comme le Bhojpuri ou l’anglais.
Aujourd’hui, Maurice est un pays multiculturel, qui continue son développement et la construction de son identité.