Abolition de la Traite négrière en Isle de France : quelques points d’histoire.
Maurice célèbre aujourd’hui le 184 ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage sur son territoire. En effet, cette pratique, fortement liée à la culture du sucre, sera abolie en France, suite à la Révolution, en 1794. Cependant, de nombreuses colonies, comme les Antilles ou les Mascareignes, vivant économiquement sur ce systèm, refusent de se soumettre à la loi en vigueur. Ainsi, lors de leur arrivée en Île de France, les madataires du gouvernement français porteurs du décret furent renvoyés par les propriétaires des plantations et l’esclavage perdura localement jusqu’à son abandon définitif en 1835. En réalité, plusieurs décrets interdirent l’esclavage, en France, mais celui-ci fut maintenu sour la pression économique et politique des colonies. C’est pourquoi Napoléon se vit contraint de rétablir l’esclavage et la traite négrière, hors de France, en 1802, notamment aux Antilles. Le décret impérial de 1815 interdit la traite négrière mais il sera malheureusement rendu caduc par la défaite de Napoléon à Waterloo et le retour de la Monarchie de Louis XVIII. En 1818, la France abolit définitivement la traite négrière, toutefois, beaucoup de colonies décide d’ignorer cet interdit malgré les peines d’emprisonnement encourues pour son non-respect (jusqu’à 30 ans de travaux forcés en 1831). En 1835. l’esclavage est totalement abolit à Maurice, alors sous administration britannique, alors qu’il faudra attendre 1848, en France, pour que le décret du 27 avril mette un terme définitif à cette pratique, entraînant la joie et la proclamation de leur liberté par les esclaves!
L’abolition de l’esclavage, une révolution européenne
L’abolutionnisme est un véritable courant de pensée qui apparaît, en Europe – puis par extension en Amérique – fin XVIIIème siècle et qui a pour but d’éradiquer la pratique esclavagiste. Concept radicalement nouveau et moderne, il impose un changement drastique au niveau de l’organisation sociale, économique et politique d’un système rentable et récent. Ceci explique donc les difficultés des abolutionnistes à faire accepter et perdurer un nouveau système de valeurs engendrant un tel boulversement des mentalités, mais surtout d’un réseau socio-économique fructueux. Bien que des nombreuses résistances individuelles et collectives se manisfestèrent parmi les esclaves (comme le maronnage), il est à noter que le combat abolitionniste ne fut pas le leur mais véritablement celui des occidentaux eux-mêmes, revendiquant ainsi une orientation politique nouvelle visant à la destruction de tout une institution socio-économique florissante. C’est la raison pour laquelle le mouvement abolutionniste fut progressif.
L’esclavage à Maurice, entre perte et réinterprétation identitaire
Lorsqu’ils s’installent dans l’île, qu’ils rebaptisent l’Isle de France, les Français profitent de l’adaptation du Code Noir pour les Mascareignes et font venir des esclaves de Madagascar et d’Afrique, principalement orientale, pour exploiter le bois et cultiver le café, le poivre, puis, mi-XVIIIème siècle, la canne à sucre. En 1767, l’île compte 20 000 habitants dont 15 000 esclaves. Issus de diverses ethnies, les esclaves d’Afrique sont souvent qualifiés de « Mozambiques » afin de les distinguer des Malgaches, Indiens, créoles et des Africains libres présents à Maurice. Le déracinement provoqué par l’esclavage – outre les profonds sentiments de désespoir et de peur que nous pouvons imaginer – aura de lourdes et inévitables conséquences sur l’identité des « nouveaux venus » et laissera à jamais son empreinte dans un pays qui n’aurait pu se construire sans eux. Le Morne Brabant, montagne située au sud-ouest de l’île, constitue un haut lieu de la mémoire collective mauricienne et est inscrit, depuis 2008, au patrimoine mondial de l’humanité de l’Unesco. De nombreux esclaves en fuite (marrons) trouvèrent refuge dans ce lieu difficlement accessible, espérant ainsi échapper à la recapture. La légende veut que bon nombre d’entre eux, préférant la mort aux châtiments – dont ils ne manqueraient pas d’être victimes s’ils étaient de nouveau capturés – et à une nouvelle privation de liberté (et tout ce qu’elle supposait), se jetèrent du haut de la montagne alors que les soldats venaient les avertir de l’abolition définitif de l’esclavage. Les descendants de ces anciens esclaves sont aujourd’hui des individus libres, pour la majorité d’entre eux, métissés avec d’autres mauriciens d’autres ethnies, incarnant ainsi une réelle et nouvelle créolisation de l’île. La perte identitaire dont leurs ancêtres ont été victimes a eu, au moins, l’avantage de leur permettre de créer une nouvelle identité à part entière, unique, forte, toujours en devenir et porteuse d’espoirs, ce qui est une chance incontestable, non seulement pour les nouvelles générations créoles mais toute la future génération mauricienne!
Le séga, un marqueur de l’identité mauricienne